Historique de l'utilisation de la chaux dans le mortier

Les premiers mortiers étaient faits de boue ou d’argile. On utilisait ces matériaux en raison de leur disponibilité et de leur faible coût. Les Égyptiens utilisaient les mortiers de gypse pour lubrifier l’assise des grosses pierres qu’on déplaçait pour les mettre en place(ref. i). Toutefois, ces matériaux n’étaient pas très efficaces en présence d’humidité élevée et d’eau.

On a découvert que la pierre calcaire, lorsque brûlée et combinée à de l'eau, produisait un matériau qui durcissait avec le temps. Le premier usage documenté de la chaux comme matériau de construction remonte à environ 4000 ans av. J.-C., alors que les Égyptiens l’utilisaient pour plâtrer les pyramides(ref. ii). Le début de l’utilisation de la chaux dans les mortiers est vague. On sait par contre que l’Empire romain utilisait couramment la chaux dans les mortiers. Vitruvius, un architecte romain, donnait les grandes lignes pour la préparation des mortiers de chaux (ref. iii).

"… Lorsqu’elle (la chaux) est éteinte, laissez-la se mélanger avec du sable de manière à ce qu’il y ait trois parties de sable de carrière pour une partie de chaux; dans le cas de sable provenant de rivière ou le l’océan, deux parties de sable pour une partie de chaux. On obtient ainsi la bonne proportion pour le mélange."

Les mortiers contenant uniquement de la chaux et du sable nécessitent du dioxyde de carbone contenu dans l’air pour se convertir et reprendre la forme de pierre calcaire et durcir. Les mortiers de sable et de chaux durcissent lentement et ne durcissent pas sous l’eau. Les Romains ont créé des mortiers hydrauliques qui contenaient de la chaux et des poullozanes tels que la poussière de brique et la cendre volcanique. Ces mortiers étaient destinés à des applications où la présence d’eau ne permettait pas une carbonatation adéquate du mortier(ref. iv). Des exemples de ce type d’application comprennent les citernes, les bassins de poissons et les aqueducs.

Les progrès les plus importants de l’utilisation des pouzzolanes dans les mortiers sont survenus au cours du 18e siècle. On a alors découvert qu’en brûlant de la pierre calcaire contenant des argiles, on produisant un produit hydraulique. En 1756, James Smeaton a peut-être mis au point le premier produit de chaux hydraulique en calcinant de la pierre calcaire Blue Lias contenant de l’argile. On ajoutait également de la terre pouzzolanique d’Italie pour donner plus de résistance(ref. v). Ce mélange de mortier a servi à construire le phare Eddystone. James Parker a breveté un produit appelé ciment romain ou ciment naturel en 1796. Le ciment naturel était produit en brûlant ensemble un mélange de pierre calcaire et d’argile dans des fours similaires aux fours utilisés pour la chaux. Le produit qui en résultait était broyé et entreposé dans des contenants étanches. Les ciments naturels contenaient généralement plus d’argile que les produits de chaux hydrauliques, ce qui offrait une plus grande résistance. Les mortiers de ciment naturel étaient utilisés dans la construction lorsque la maçonnerie était soumise à de l’humidité et où des niveaux de résistance élevés étaient requis(ref. vi).

Joseph Aspdin, un constructeur/maçon anglais, brevetait en 1824 un matériau appelé ciment portland. Le ciment portland est fait d’un mélange de pierre calcaire, d’argile et d’autres minéraux dans des proportions bien contrôlées; le mélange est ensuite calciné et broyé en fines particules. Bien que certains ciments portland étaient importés d’Europe, sa fabrication aux États-Unis n’a débuté qu’en 1871. La consistance et les niveaux élevés de résistance du ciment portland lui permettent de remplacer les ciments naturels dans les mortiers. Par lui-même, le ciment portland a une mauvaise maniabilité, mais combiné à la chaux, il offre un excellent équilibre de résistance et de maniabilité. L’ajout du ciment portland aux mortiers de chaux accélère la vitesse du processus de construction des édifices de maçonnerie grâce à l’obtention plus rapide d’une résistance. Différents types de mélange combinant différentes quantités de chaux et de ciment portland ont été élaborés. En 1951, ASTM publiait la norme C270-51 (Standard Specification for Unit Masonry). Cette norme permet de spécifier les combinaisons de ciment et de chaux par proportions de volume ou par propriétés de mortier. La norme ASTM C270 est encore utilisée aujourd’hui. Cette norme identifie cinq types de mortier à l'aide de l’expression MASON WORKS. Les mélanges de ciment/chaux de type M possèdent la résistance à la compression la plus élevée et les mélanges de type K possèdent la résistance la plus faible.

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Jusqu’aux environs de 1900, on utilisant la pâte de chaux dans les applications de construction. On brûlait la pierre calcaire dans de petits fours souvent construits dans une pente afin de faciliter le chargement(ref. vii). On utilisant du bois, du charbon et de la coke comme combustible. La chaux vive produite par ces fours étaient ajoutée à de l’eau dans un trou ou une cuve de métal et trempée pendant de longues périodes de temps. Le temps de trempage requis variait selon la qualité de la chaux vive et pouvait varier de quelques jours à des années. On croyait que plus longtemps elle trempait, plus elle était efficace. La norme « Standard Specification for Quicklime for Structural Purposes » a été élaborée en 1913. Avec le début du siècle commençait l’utilisation des produits de chaux éteinte. On ajoutait de l’eau à la chaux vive à l’usine de fabrication afin de réduire le temps de trempage requis sur le chantier. À la fin des années 1930, la production de produits de chaux dolomitique éteinte sous pression débutait. Ces produits ne nécessitaient que de courtes périodes de trempage (20 minutes ou moins) avant l’utilisation. On publiait en 1946 la norme ASTM C207 (Standard Specification for Hydrated Lime for Masonry Purposes). Cette norme identifiait deux, et par la suite quatre, types de produits de chaux qui peuvent être utilisés dans les applications de maçonnerie. 

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Les produits de chaux ont joué un rôle important dans la construction de maçonnerie pendant des milliers d’année. Avant 1930, la plupart des constructions de maçonnerie utilisaient des mortiers à base de chaux. La chaux offre un rendement éprouvé comme en témoignent des structures telles que la Grande Muraille de Chine, qui existe depuis des centaines d’années. Les raisons qui justifiaient l’utilisation de la chaux dans le mortier il y a 2000 ans sont toujours valides aujourd’hui. 

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Références:

McKee, Harley J. Introduction to Early American Masonry - Stone, Brick, Mortar, and Plaster. National Trust for Historic Preservation, Columbia University, 1973. p 61.
Boynton, Robert S. Chemistry and Technology of Lime and Limestone. Second Edition. New York: John Wiley & Sons, Inc., 1980.
Vitruvius. De Architectura. Book II, V. Frank Granger's translation. Heinemann, 1931.
Davey, Norman. A History of Building Materials. New York: Drake Publishers Ltd., 1971.
Cowper, A.D. Lime and Lime Mortars. Building Research Station. London: HM Stationery, 1927.
McKee, Harley J. Introduction to Early American Masonry - Stone, Brick, Mortar and Plaster. National Trust for Historic Preservation, Columbia University, 1973. p 68.
Spewiek, John P. The History of Masonry in America, Proceedings of the 7th Canadian Masonry Symposium. Vol 2. Canada: McMaster University, 1995. pp. 663-677. sfd